Vie
sauvage, relativement..
Cela
fait 1 an et 1 mois que j'ai quitté Paris, le confort -relatif-, les lumières,
les troquets ouverts jusqu'à pas d'heures, le noctambus, la Bibliothèque
nationale, le Musée de l'homme, Montparnasse.. etc... pour
vivre dans les Cévennes, dans ma maison familiale, une
ancienne magnanerie, (ainsi appelle-t-on l'endroit où on élevait les vers à
soie qui, les malheureux, étaient ensuite sacrifiés d'horrible manière, je
l'ignorais, voir le livre bouleversant de Marie Roannet à ce sujet, ne portez plus de soie) en pierres solides, murs de 2 m, voûte
fraîche l'été et chaude l'hiver, super puits, bassin d'arrosage en partie creusé dans le rocher, hélas à sec en ce moment, alimenté par une
source -qui ne donne que lorsqu'on n'en pas besoin, et ruisseau idem-..) sans
eau (dite de la "ville") ni électricité. Un choix -relatif- et
surtout une expérience .
Le
confort et L'ADDICTION qu'il représente nous aliène, nous infantilise, nous
met, livrés pied et poings liés, sous la coupe de s. qui ensuite font pression, nous contraignent (voir "grève de la faim") http://aujourlejour2.blogspot.fr/
... et
contribue à la pollution et au réchauffement climatique c'est à dire à TUER les
moins nantis. Nos piscines sont payées de leur étiage.
C'est
le leitmotiv classique décliné sous diverses formes : "on (ou "je") ne peut pas se
passer de.. -selon les castes- d'électricité, d'eau, de télé, de
baignoire, de 3 g, d'avion, de jacuzzi, caviar, roll royce, bateau.." * etc.. Et cela
semble vrai. Et c'est vrai, en partie. Parce qu'on le CROIT, parce qu'on y est
habitués, par manque d'imagination et/ou de courage, à cause de la peur, la
peur de ne pas faire comme l'autre, d'être déprisé, marginalisé, par flemme
aussi .. Le système -QUE TOUS POURTANT NOUS CONCHIONS PLUS OU MOINS- ne tient
plus les gens -ici du moins- par le fouet, la roue et la hache mais par LES OBJETS
ET LE "CONFORT" devenus Dieux bienfaiteurs et punisseurs voire
maîtres chanteurs (pendant ma grève de la faim, j'ai entendu une jeune femme
démunie d'un village d'à coté me dire que tel édile lui avait fait couper l'eau
parce quelle lui refusait.. ce que vous imaginez).. Si : on peut. En trichant
un peu c'est vrai.
*J'exagère? Non, pas du tout. Il y a longtemps, chez le dentiste, je me souviens avoir lu sur "Match" que telle princesse avait dit exactement qu'elle ne pouvait pas envisager de vivre sans le "Britan", impossible, pensez, toute son enfance, sa vie, enfin bref... De même la sympathique, elle Liv Ulman, qui explique dans ses mémoires apparemment sans réelle gêne qu'elle ne peut se passer d'hôtels quatre étoiles et de restaurants idoines, de fringues de luxe, elle n'a connu que ça, elle a été élevée ainsi, ce qui n'empêche pas assure-t-elle, et c'est vrai, l'humanisme, (elle milite avec l'Unicef et ne voit pas vraiment la contradiction... sur la base "que c'est la même chose pour tous finalement, cessez vous de manger parce que vous luttez contre la faim?" (Oui, mais elle, elle ne cesse pas Dior et le caviar, ce n'est peut-être en effet qu'une question de degré, mais à un certain stade, le degré ne fonde-t-il pas la nature?...)
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Je vais
donc raconter. Ma journée. Lever, je n'ai pas l'heure, mon téléphone est
éteint, triple zut, le chien à dû se coucher dessus allumé. Ou hier je m'en
suis trop servie comme lampe. Il va falloir que je me fende d'une lampe
frontale. (Je n'ai pas encore le panneau solaire qu'on doit m'envoyer et
qui réglera la question). Première tâche, le rallumer en le branchant sur le
petit ordinateur chargé à bloc chez Marcelo (un petit troquet sympa) hier. (C'est ainsi que j'écris en ce
moment). Victoire, ça marche presque du premier coup. (Parfois, depuis que Toto l'a fait tomber allumé dans un seau ! -je l'ai récupéré avec du riz, en le
plongeant dedans démonté le plus possible y compris la puce, 24 heures- depuis sa mésaventure donc, parfois, j'ai du mal).
Hier,
non, avant-hier, j'ai été -légèrement- intoxiquée par.. vous ne devineriez pas
?! des pommes de terre sans doute germées que j'avais épluchées et coupées par
avance l'après midi, pour une fois que j'étais organisée.. et
connement laissées dans l'eau avec des orties.. puis cuites le soir telles que,
sans changer l'eau, si bien que la solanine a exsudé et proliféré, sans doute
encouragée par les orties, en somme j'ai
fabriqué du purin d'orties.. La purée avait une consistance
gélatineuse mais je ne m'y suis pas arrêtée car c'était bon et bref.. Du coup,
j'ai pris du retard, je n'ai pas puisé hier et je n'ai presque plus d'eau,
(j'ai toujours de l'avance mais là c'est limite)
juste de quoi me faire un café. Première urgence donc, puiser, remplir l'énorme
bassine que je garde pour -entre autres- arroser le soir le vieux tilleul
et les orties -les urgences- qui souffrent comme tout de la cagne -l'eau est
trop froide pour l'envoyer juste après l'avoir tirée-. Tâche agréable mais dont
aujourd'hui je me serais passée, d'autant que le café était dégueu, je n'ai
plus de sucre. 70, 100 litres. Ça va mais je suis en nage.
Deuxième tâche, en fait concomitante de la première : sortir les chiens, les attacher à leur tyrolienne (20 mètres pour l'un, sur 2 en largeur, 10 pour l'autre, sur 3 en largeur) pour pipi caca, (il fait trop chaud pour aller balader, de toutes manières je n'ai pas le temps et la Cèze, très basse à présent, est hyper polluée, donc plus question d'aller s'y baigner, hélas, juste au moment où on l'apprécierait tant) -puis ratisser leur production, toujours impressionnante !-... et surtout leur donner à boire et à manger après puisage, il leur reste un peu d'eau dans leur seau mais il attendent le nez à l'air, avec passion, celle, fraîche, juste tirée, délicieuse... c'est fait. Laver deux pièces de linge dans une cuvette, ainsi que le gant et les serviettes de bain, c'est rapide, on ne s'habille presque pas, voire pas du tout, et le soleil déjà haut parachève le job : aucune bactérie ne peut y résister,même les taches disparaissent. Même chose pour la vaisselle. Re café (toujours dégueu) et soins des pieds enfin. Lorsqu'on marche beaucoup (5 à 10 km/j) c'est essentiel. Trempage dans de l'eau + vinaigre de cidre, nettoyage méticuleux avec un gant fin et rugueux (et du gingembre entre les orteils après séchage rigoureux) c'est le + long. Chaussures idem puis soleil, toujours, pour stériliser. Enfin, après repos cinq minutes (je suis en nage) et re café..
Et... désolée il faut "tout" dire sous peine d'édulcorer donc d'induire en erreur, la petite corvée, quoique... c'est surtout le soleil qui me gêne : vider les seaux. J'ai pris du retard là aussi because fatigue hier mais j'en ai toujours trois au cas où. (Mais c'est la première fois qu'ils sont pleins tous les trois !) Hop au compost en bout de propriété, loin de moi au raz de celle d'une voisine désagréable. Ça ne sent pas mauvais longtemps et avec la cagne elle n'est sûrement pas dehors en train de siroter son thé. Et puis je m'en fous. Impression bizarre, relativement satisfaisante, de restituer à la terre ce qu'il lui faut .. lui rendre ce que la machine humaine que je suis a généré après "usage", travail physique et intellectuel enfin tout... ce qui en dépit des apparences n'est pas de la vraie pollution puisque ça va lui servir.. Le plus difficile est après de nettoyer les seaux sans eau. Je refuse d'utiliser celle du bac fraîchement puisée.. mais les feuilles mortes du tilleul, hélas, qui tapissent le sol partout, écrasées en poudre, font merveille. Ils sont comme récurés. Soleil encore pour stériliser bien le tout, les seaux ouverts devant la maison, d'accord, ce n'est pas très déco mais bon, vanitas, vanitatum et omnia vanitas....
Repos encore, toujours en nage (car aller en bout de propriété m'a forcément fait passer au soleil, de surcroît lourdement chargée.) Je vais me laver (j'attends que l'eau réservée ait un peu chauffé -elle est glacée au sortir du puits-, l'arrosoir est dehors sur la table.) Les chiens, qui d'habitude ne rêvent que d'escapades, repus, ont réclamé de rentrer (!) : dès que je les ai lâchés, ils se sont précipités devant la porte, impatients que j'ouvre !! et à présent ils dorment, étalés à plat sur le carrelage, pattes allongées comiquement. Des cadavres.
Je vais enfin me laver, un plaisir que j'attends depuis le réveil (1 litre suffit à condition de préalablement se brosser le corps à sec -avec une brosse douce, et toujours vers le cœur, la détente que cela procure est magique*- mais ensuite, les pores ouverts, il ne faut pas utiliser de savon, surtout le savon à la cendre comme celui que je fabrique qui décape trop, (mais il est excellent pour la vaisselle, et on peut utiliser l'eau pour arroser). Par ailleurs comme en ce moment on se lave -si on le peut, comme moi- peut-être 3 à 5 fois/j, c'est une raison de plus pour ne pas en plus se savonner.
*
Lorsqu'on fait l'expérience de se laver normalement au savon, puis qu'on se
brosse et se rince ensuite -en frottant avec un gant rugueux-, on constate que l'eau de rinçage est un peu grise. Les pores ouverts laissent passer des saletés que le savon
n'a pas atteintes. L'inverse n'est pas vrai.
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Ensuite,
autre relative corvée, il me faudra faire les commissions au petit supermarché
pour "pauvres" tout près (presque + de croquettes et les chiens
préfèrent leur marque, par ailleurs bon marché) obligatoirement avec la voiture,
ce qui me culpabilise mais la chaleur est trop forte pour y aller à pied (1 km
à peine mais par endroits en plein soleil, les arbres ont été abattus, vive les
bagnoles, du coup on est obligés de les utiliser, ça tourne rond). Je vais
peut-être le tenter ? Non. Je suis remise mais avant hier tout de même, j'ai
été secouée. Il me faudra leur signaler que leurs patates ne sont pas
terribles.. (Zut, à la relecture, j'ai oublié).
Et
enfin, ce sera le repos c'est à dire "actu, net, potes, écriture"
chez Marcelo.. et recharge de mes batteries, sur tous les plans. Une vie qui m'apparaît
à présent parfaitement normale. C'est l'autre, celle d'avant qui me semble anti
naturelle, indécente et hideuse. Quand j'aurai mon panneau solaire, je serais
alors presqu'autonome, si ce n'est la voiture dont ici il est difficile de se
passer.
Demain,
j'irai me réapprovisionner en livres à la Croix rouge, un autre plaisir
hebdomadaire. Et bavarder avec Francine. Une femme exceptionnelle mais qui
parfois, sur la question féminisme, ne comprend pas tout. Comment lui faire
prendre conscience que critiquer une femme qui, dans la montagne isolée, chez
elle de surcroît, garde ses chèvres NUE n'est pas, elle, à blâmer mais que ce
sont ceux qui s'embusquent pour la mater à la jumelle qui le sont? "Quand
on ramasse des orties, on met des gants car on sait que sinon on va se faire
piquer" m'a-t-elle dit. Zut. Et si les orties font exprès de te piquer ?
Vas-tu t'acheter des gants pour les cueillir ? Et si ce sont les vendeurs de
gants qui sont ceux qui te matent ou leurs potes ? Vas-tu les renforcer dans
leur "piqurisme" en courant t'en acheter ? Ne vois-tu pas
qu'ainsi, tu fais leur jeu?
Oui,
les femmes sont parfois responsables de leur propre déréliction en la
cautionnant comme Francine.. Si on suit son raisonnement jusqu'au bout, on
aboutit à la burka.
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Reprise
chez Marcelo.
J'ai
fait les commissions, avec un peu de tristesse : le petit supermarché (en fait
minuscule) tout proche de chez moi, pour "pauvres" (d'après Mado, une
copine gitane, ils acceptent les chèques différés, ce qui leur fait une
clientèle de gens, des femmes seules le plus souvent qui ainsi peuvent nourrir
leurs gosses à partir du 25, car il y a ici des gens, des femmes qui n'y arrivent pas, et
donc des gamins qui ont faim, qu'on se le dise) ... est en train
visiblement de pâtir de deux énormes concurrents installés récemment, pour
l'un, quasiment dans le village même. Presque plus rien sur les étals, plus de
lait bio, de croquettes de la marque que je prends habituellement, d'amandes en
poudre, d’œufs bios. Tant pis. J'en prend une autre marque de croquettes, il ne reste qu'un sac.. mais de 20 kgs, et en fait de lait, quelques litres seulement d'écrémé, c'est tout. Pour le poids, depuis
que je puise (10 tonnes je pense depuis que je suis arrivée,
j'ai des cals aux petits doigts, je croyais à un champignon, non,
c'est la corde) je parviens sans problèmes à soulever et hisser le sac, mais au
soleil c'est limite. Un mec, un gitan que je connais, sympa m'aide. Puis de
retour chez moi, rangé les commissions et surtout la pièce où je met Charlie, très
fraîche, porte fermée afin de pouvoir dormir (sinon ce n'est pas possible, il
saute partout) qui a tout mis à sac et pourtant elle était quasiment vide,
vidée plus exactement, il a notamment éventré un pelochon, si bien
qu'on dirait qu'il a neigé, c'est le boulot le plus chien... euh, chiant. Je
m'aperçois par la même occasion qu'il a peut-être mangé de l'aspirine, il a
dégoté une plaquette qui est un peu rongée. Ma foi, je n'ai rien vu donc ça ne
lui a pas trop fait de mal. Je réorganise la pièce plus soigneusement. Crevée
je m'allonge après les avoir re nouris, et m'endors ! Lorsque je me réveille,
il est... 7 heures ! Il faut croire que je n'étais pas tout à fait remise de
mon intoxication d'avant hier car ça ne m'arrive jamais. Avantage, le soleil
est tombé (un peu) mais la chaleur est toujours intense. Chez Momo, de la
musique enfin, rare, un petit orchestre joue des airs de ma jeunesse, il a
pensé aux vieux, je suis tellement enchantée que je me mets à danser toute
seule. Et voilà.
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Sauf qu'ensuite, après une panne d'électricité, plus de net.. et lorsque je demande à Marcelo de réarmer, il m'envoie plus ou moins chier. OK. Il va me falloir soit un panneau solaire soit me trouver un autre point de chute. Celui que j'ai trouvé le matin... a une connexion qui met une demi heure pour s'établir. Au moins y suis-je arrivée ! Au fond, le problème de l'argent, c'est essentiellement un problème d'ego et d'autre. Je consomme, je dépense, je possède donc je suis, donc on me respecte, on me fait même des courbettes etc... à cela aussi on s'habitue ! Ca fait partie du confort, comme appuyer sur un bouton et avoir la lumière. Les hommes ne sont ils que des robots sur lesquels il faut appuyer pour qu'ils s'éclairent -ou vous voient simplement?- C'est sans doute ce qui est le plus difficile (ne compter pour rien). Mais cela aussi on peut le vaincre.
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